jeudi 21 février 2013

D'où ça sort ? L'invasion olfactive





La Maison Fabre, proposera, à partir d'avril, dans sa nouvelle boutique du château de Versailles, des gants parfumés.

On n'échappe pas au parfum. Il a progressivement colonisé les produits d'hygiène pour le corps, les cheveux, les vêtements, la maison, et multiplie désormais les apparitions insolites. "Consommer ne suffit plus, il faut que l'acte d'achat constitue une expérience émotionnelle. Ainsi, le parfum qui surgit d'objets inattendus étonne et apporte un plaisir supplémentaire", remarque le sociologue Gilles Lipovetsky, coauteur de l'essai intitulé L'Esthétisation du monde. Vivre à l'âge du capitalisme artiste (Gallimard, sortie prévue le 21 mars). Pour preuve, l'arrivée de gants en cuir de la Maison Fabre, parfumés grâce à une poudre de senteur, en vente à partir du 24 avril dans son nouvel espace au château de Versailles, ainsi que des carnets odorants. Idem chez l'Artisan parfumeur, qui vient d'associer son célèbre Mûre et Musc à une paire de gants de la maison Causse.




Un cahier "ambré fumé", c'est l'idée de la marque Le Labo. Jean-Baptiste Talbourdet/ M le magazine du Monde

L'idée avait déjà été exploitée par le nez Francis Kurkdjian qui, après avoir lancé des lessives et des bracelets parfumés, proposera bientôt des boules antimite "qui sentent bon", ainsi qu'un porte-clés pour transporter son effluve préféré partout avec soi. Dans ce domaine, les curiosités olfactives ne manquent pas : cahier "ambré fumé" chez Le Labo, gommes odorantes chez Astier de Villatte, papier cadeau à l'eau de Cologne chez Acqua di Parma, caoutchouc parfumé à l'encens à placer dans les armoires chez Frédéric Malle, et même un bracelet "main forte", imaginé par Les Liquides imaginaires, à porter sous ses gants de boxe.
MOBILISER TOUS LES SENS
"Ce processus consiste à réenchanter l'univers de la consommation en mobilisant tous les sens. Les dimensions tactile et visuelle sont si saturées que l'odeur agit comme un instrument de différenciation", complète le sociologue Gilles Lipovetsky. Un marketing sensoriel qui ne se limite pas au luxe mais touche des produits usuels grâce à la technique d'encapsulation développée par IFF, une société qui produit des senteurs et des arômes dans le monde entier. "Nous avons créé des brosses à dents et des rasoirs dont les manches contiennent des molécules odorantes, ainsi que des sacs-poubelle capables de neutraliser les mauvaises odeurs", raconte Christophe de Villeplée chez IFF.




Parmi les curiosités olfactives, le papier cadeau à l'eau de Cologne d'Acqua di Parma.

Mais pourquoi une telle obsession pour la perfection olfactive ? "Les odeurs corporelles sont désormais inconsciemment perçues comme des toxines, et elles sont incompatibles avec l'idée qu'on se fait de la bonne santé, répond Pierre Bisseuil, consultant au cabinet Peclers, à Paris. D'ailleurs, la parfumerie élimine les notes animales et fractionne les matières naturelles pour les rendre plus "propres"." Sans oublier qu'il s'agit aussi de personnaliser son allure sans rien omettre : "Jamais la montée des individualismes n'a été aussi forte, on possède aujourd'hui plusieurs parfums pour exprimer toutes les facettes de sa personnalité, et la multiplication des supports parfumés participe, comme le font les réseaux sociaux, à la projection d'une identité rêvée", ajoute Pierre Bisseuil. Dans un monde où de plus en plus de relations sont devenues virtuelles, les fragrances permettent de réincarner les sens.


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